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La clé de la sanglante crise qui s’aggrave en République centrafricaine (RCA) ne se trouve pas dans le conflit armé entre chrétiens et musulmans, comme le martèlent nos médias liés à de puissants intérêts des pays de l’OTAN/OCDE, incluant le géant minier canadien.

Cette clé, elle se trouve dans la géostratégie de cette RCA grande comme la France, son ex-colonisatrice, et riche en ressources peu exploitées (diamants, or, uranium, pétrole, potentiel hydraulique, agriculture, et des terres arables qui attisent de puissantes convoitises extérieures).

Appropriée par la France au dépeçage de l’Afrique à Berlin (1884-1885), et soumise au Complexe militaro-économico-politique appelé “FrançAfrique” sur un demi-siècle de fausse “indépendance,” la RCA a été happée brutalement par la tourmente post-Guerre froide partie de la Somalie au début des années 1990, et métastasée au Rwanda, en RCD-Congo, au Mali, en Libye, et qui menace de s’étendre à tout le continent.

Depuis le coup d’État de 2013, mené par des soldats musulmans des Forces armées au nom des droits de leur communauté (qui constitue seulement 10% de la population de 5 millions), la RCA a connu plus de 6000 tués, et plus d’un million de déplacés et de réfugiés, dans une guerre alimentée par les intérêts corporatifs des pays de l’OTAN/OCDE, et par les armes pillées depuis 2011 dans l’arsenal de la Libye.

Un peuple uni et convivial au-delà de ses différences religieuses, linguistiques et ethniques a été polarisé entre chrétiens (anti-Balaka) et musulmans (Séléka) — sur le modèle “diviser pour régner” qui a mené à la partition du Soudan, son voisin du nord, ou celui qui enferme Hutus et Tutsis dans de sanglants génocides cycliques au Rwanda et au Burundi, sans oublier le “génocide silencieux” qui décime le Congo-Kinshasa depuis 20 ans. La Séléka parle même désormais de partition de la RCA.

Ce “théâtre macabre” se joue alors que l’OTAN ($1200 mille milliards de dépenses militaires par an) déploie sur le continent africain une force nommée Africom. Pour quoi faire? Pour assurer le pillage continue de l’Afrique, et pour contrer la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil, l’Iran emergents, qui construisent des infrastructures vitales en échange de pétrole, de gaz et de minerais — mais sans y déployer le moindre soldat!

Dans une mise en scène classique du scénario du “pompier pyromane” pratiqué par Licius Licinius Crassus à Rome il y a 2000 ans, la boucherie barbare des civils en RCA fournit aux pays de l’OTAN/OCDE le prétexte idéal pour justifier leur “intervention humanitaire” fondée sur l’odieuse Doctrine R2P ou “responsabilité de protéger” d’inspiration canadienne et visant en réalité à protéger les pilleurs étrangers aux dépens des populations locales.

Les proconsuls français furent les premiers à arriver sur le terrain, avec l’Opération Sangaris, vite remplacés par les Casques bleus de la Minusca. Rappelons-nous comment la Doctrine R2P ouvrit la voie à l’intervention du trio France-U.S.-Canada en 2004 en Haïti — leurs soldats vite remplacés par une force de l’ONU appelée Minustah — qui y sévit toujours, 11 ans plus tard, et qui s’embourbe dans d’incessants scandales et controverses.

À propos, ces “impérialistes humanitaires” avaient alors kidnappé le président élu d’Haïti, Jean Bertrand Aristide, et l’avaient aéroporté en pleine nuit en… République centrafricaine!

Le scénario qui déchire aujourd’hui la RCA est exposé, déconstruit et dénoncé dans les rapports successifs du Groupe d’experts de l’ONU sur les guerres de pillage en RCD-Congo. La RCA se trouve désormais poussée sur la même voie de tuerie et de destruction: un régime intérimaire béni par les puissances de l’OTAN/OCDE, des élections mal organisées et précipitées (prévues à la mi-octobre), et un éventuel désarmement des milices, un plan macabre qui promet de s’étirer fort longtemps, et de “normaliser,” pour mieux le piller, la sanglante déstabilisation d’un pays doté d’un si vaste potentiel pour le développement de son peuple et de ses voisins.

Jooneed J. Khan est un journaliste et militant de droits humains. Une version abrégée de cet article a été posté sur Auvidec.

The English version of this column is available here.

Photo: UNHCR/S. Phelps/flickr

Jooneed Khan

Jooneed Khan

Jooneed is a native of Mauritius, who came to Windsor, Ontario on a Commonwealth scholarship in 1964. He is an Arts graduate of the Université de Montréal, and was a co-founder of the Mauritian Militant...